La dissuasion nucléaire n’existe plus, mais les armes nucléaires subsistent

Dans un monde devenu multipolaire où s’accroissent les tensions, les stratégies nationales de défense et les doctrines nucléaires évoluent. La dissuasion nucléaire est relayée au second plan au profit de menaces d’affrontements directs par des frappes limitées ou préventives. L’arme nucléaire n’est plus un outil de dissuasion. Elle devenue un amplificateur de défiance, voire un moyen de provocation, ce qui accentue l’insécurité générale.

En ce jour de la Journée internationale de la paix (21 septembre) les tensions internationales ont rarement été aussi vives.  Au cours des dernières années, les relations internationales ont connu d’importants bouleversements dans un monde devenu multipolaire, marqué notamment par l’instabilité de la puissance américaine, par le retour de la puissance russe et le caractère multisectoriel de la puissance chinoise, sur un fond de surenchères verbales et de montée des nationalismes.

Ces tensions interétatiques s’accompagnent d’une évolution des stratégies nationales de défense et des doctrines nucléaires. Du Pentagone en passant par l’Inde et la France, ces doctrines évoluent non plus dans le sens d’une dissuasion nucléaire mais a contrario, dans le sens d’une intervention nucléaire. Ce changement exacerbe les tensions interétatiques en s’appuyant davantage sur les intérêts nationaux que sur la promotion d’une diplomatie multilatérale.

Les décisions unilatérales et périlleuses telles que le retrait américain de l’Accord de Vienne concernant le nucléaire iranien en mai 2018 ou encore du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires en août dernier contribuent à mettre en cause la pertinence de la dissuasion nucléaire

En janvier 2018 une fuite révèle la version préliminaire de la Nuclear Posture Review mis au point par le Pentagone. Le choix de l’orientation politique est alors clair : réexaminer l’arsenal nucléaire et développer un nouveau type d’armes à la puissance limitée. Pour certains, le réexamen de l’arsenal nucléaire ne serait en réalité qu’une modernisation technologique, mais la position reste identique : à l’opposé de la ligne politique de son prédécesseur, Donald Trump souhaite remettre la question nucléaire au cœur de sa stratégie de défense.

Cette posture sera suivie d’une manière plus ambigüe par la France, qui tout en essayant de se positionner comme l’un des médiateurs de la question nucléaire iranienne, pratique en réalité une « défense du multilatéralisme à géométrie variable » ( lire l’article d’IDN). En septembre 2018, dans un document développant sa vision stratégie, le général François Lecointre reconnaissait que la prolifération nucléaire ainsi que l’évolution des doctrines se faisait « dans le sens de l’abaissement du seuil nucléaire » [1].

Cette nouvelle course à l’armement se traduit également par une vague de « modernisation » des technologies militaires dont les arsenaux nucléaires font notamment l’objet (États-Unis, France, Russie, Chine). La Russie développe ainsi de nouvelles “super-armes”, avec les missiles stratégiques hypersoniques « Avangard », les missiles balistiques intercontinentaux « RS-28 Samart » ou encore le futur missile de croisière à propulsion nucléaire « 9M729 ». D’autre part, les États-Unis, qui, rappelons-le, ont signé en 2018 un budget record pour la défense nationale s’élevant à 716 milliards de dollars, ont autorisé en août dernier août le test d’un missile sol-sol Tomahawk à partir du système de lancement vertical équipé d’un système de défense anti-missile lanceur dit MK 41.  De son côté la France double les crédits destinés à la modernisation de sa force de frappe.

La dissuasion nucléaire est reléguée au second plan au profit de menaces d’affrontements directs par des frappes limitées ou préventives. Les tensions régionales (péninsules coréenne et indienne – Moyen-Orient) sont exacerbées par l’entrée en jeu de l’arme nucléaire dans les arguments réciproques. Elles révèlent l’incapacité du principe de dissuasion nucléaire à remplir ses missions.

 L’arme nucléaire n’est plus un outil de dissuasion, elle devenue un amplificateur de défiance voire un moyen de provocation, ce qui accentue l’insécurité générale. Il serait urgent que la communauté internationale réaffirme la prééminence de la diplomatie multilatérale.

Selma Mansar

[1] Opex360.Ccom, Dissuasion/Stratégie, Général Lecointre : La doctrine nucléaire française « fondée sur la stricte suffisance et la légitime défense est mise au défi », 22 septembre 2018.

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IDN-France

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