Les deux dangers qui menacent le plus la planète sont le changement climatique et les armes nucléaires

Alors que le changement climatique semble enfin susciter quelques prises de conscience chez les États, les puissances nucléaires organisent une désinformation qui les laisse à l’abri d’une mise en cause par leurs opinions publiques. Sans respecter la signature qu’ils ont apposée au Traité de Non-Prolifération, les grandes puissances nucléaires se livrent à une nouvelle course aux armements, en augmentant le nombre d’ogives, et surtout en perfectionnant leur précision et leur maniabilité. Il en résulte un accroissement des tensions internationales, où insensiblement on passe de la doctrine du « non-emploi » à la perspective de frappes nucléaires supposées limitées, qui pourraient déclencher une escalade infernale, détruisant la planète plus rapidement et plus définitivement que le réchauffement climatique.

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Tribune libre de Paul Quilès pour Green Cross

Lire la tribune sur le site de Green Cross

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Avez-vous été frappés comme moi par le déséquilibre que nous avons constaté en France dans le traitement médiatique de récents évènements ?

D’un côté, un matraquage exceptionnel à travers tous les médias autour de la disparition d’un chanteur populaire, quasiment érigé en héros, célébré au cours d’une véritable cérémonie nationale.

De l’autre, une grande discrétion pour la remise du Prix Nobel de la Paix à ICAN (la campagne pour l’abolition des armes nucléaires). Quant au « One Summit Planet »[1], quelques médias en firent état, mais point trop, pour ne pas ennuyer le public avec un sujet insuffisamment affriolant.

C’est dommage car ce sommet, destiné à mettre en place des initiatives concrètes pour financer la transition écologique afin de tenir l’objectif des 2°C décidé lors de la COP 21[2], a été l’occasion de quelques annonces potentiellement intéressantes. Par exemple, l’engagement de différents organismes à « verdir » leurs investissements ; la Banque Mondiale ne financera plus les activités liées aux énergies fossiles dès 2019, les banques françaises celles liées aux sables bitumineux ; une coalition de fonds souverains verdira son portefeuille. Divers philanthropes, entreprises et fonds d’investissements internationaux se sont également engagés à investir massivement dans les énergies renouvelables et les activités durables.

Mais en l’absence d’objectifs chiffrés, ce sommet ne reste pour l’instant que celui des déclarations d’intention, ce qui est loin d’être suffisant pour constituer une réaction à la mesure des enjeux environnementaux.

Le changement climatique constitue pourtant l’un des deux graves dangers qui menacent la planète, les armes nucléaires étant le second. Le changement climatique peut provoquer le déplacement de dizaines de millions de réfugiés climatiques, l’abandon de terres occupées jusque-là par les êtres humains, mais demain submergées par les eaux et la modification irréversible de la faune, de la flore et de nos modes de vie.

Les armes nucléaires, quant à elles, sont des instruments de destruction massive. Une seule suffirait à ôter plusieurs centaines de milliers voire plusieurs millions de vies et signerait vraisemblablement le début d’une guerre aux conséquences incalculables. Quels que soient les acteurs en jeu, la menace est aussi globale que celle du changement climatique, en faisant craindre une atteinte beaucoup plus brutale et dramatique à notre civilisation.

A bien des égards, le désarmement nucléaire est d’ailleurs également un enjeu environnemental, étant donné le potentiel de destruction d’une bombe atomique, pulvérisant la zone d’impact et provoquant un désastre humanitaire sans précédent. Il faut ajouter à cela les effets dévastateurs d’un « hiver nucléaire » causé par l’addition d’explosions nucléaires dans le cadre d’une guerre nucléaire « limitée ». La bombe est dangereuse aussi bien pour les hommes que pour les territoires, comme peuvent en témoigner les survivants d’Hiroshima, de Nagasaki et, dans une certaine mesure, les témoins des essais nucléaires atmosphériques.

Ces deux périls ont beaucoup en commun. Ils opposent à une course contre-la-montre (celle du réchauffement comme celle de l’escalade nucléaire) l’inertie ou l’entêtement des dirigeants pays les plus puissants. Dans les deux cas, on feint de ne pas voir la source des problèmes, on s’arrange pour ne pas remettre en cause les habitudes ou les idées reçues. Ces deux périls engendrent déjà de nombreuses tensions entre les pays et suscitent de la défiance entre les populations, que cela soit par la rareté des ressources disponibles ou par la crainte d’une guerre nucléaire. Ces tensions sont d’ailleurs liées : qu’il s’agisse de la raréfaction de l’eau à la frontière entre l’Inde et le Pakistan ou de l’accès à de nouvelles ressources minières et à de nouvelles voies maritimes dans l’Arctique, le changement climatique suscitera des tensions géostratégiques entre des puissances nucléaires qui ne manqueront pas d’utiliser la dissuasion pour faire valoir leurs intérêts.

Ces deux périls portent également des combats communs, souvent réalisés par les mêmes acteurs. La lutte contre les armes nucléaires et la lutte contre le réchauffement climatique sont toutes deux porteuses d’un idéal de paix et tout progrès dans ce sens ne peut être issu que de négociations multilatérales. Le monde des générations futures sera climatiquement moins sûr que le nôtre, mais nous savons qu’il peut être militairement plus sûr grâce au désarmement nucléaire et à la construction d’une sécurité mondiale garantie par l’ONU.

En effet, s’il faudra mobiliser tous les acteurs possibles – citoyens, associations, entreprises, collectivités, Etats, ONG, Union Européenne, ONU – pour sauver la planète du réchauffement climatique, il suffit que neuf Etats s’entendent pour entrer dans un monde post-nucléaire. La solution est donc à la fois bien plus simple et plus compliquée, puisque les points de blocages sont beaucoup plus concentrés et bien plus tenaces. Alors que le changement climatique semble enfin susciter quelques prises de conscience chez les Etats, les puissances nucléaires organisent une désinformation qui les laisse à l’abri d’une mise en cause par leurs opinions publiques. Sans respecter la signature qu’ils ont apposée au Traité de Non-Prolifération[3], les grandes puissances nucléaires se livrent à une nouvelle course aux armements, en augmentant le nombre d’ogives, et surtout en perfectionnant leur précision et leur maniabilité. Il en résulte un accroissement des tensions internationales, où insensiblement on passe de la doctrine du « non-emploi » à la perspective de frappes nucléaires supposées limitées, qui pourraient déclencher une escalade infernale, détruisant la planète plus rapidement et plus définitivement que le réchauffement climatique.

Paul Quilès

Président d’IDN

Membre du Comité d’orientation de Green Cross

 

[1] Ce n’est pas le nom d’un show grandiose qu’aurait fait Johnny au Zénith !

[2] Faut-il préciser que la Cop 21 n’est pas une série policière télévisée ?

[3] Article 6 du TNP : « Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. »

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