Le président de la République, Emmanuel Macron, lors de son allocution aux armées du 13 juillet 2025, a affirmé que « sans doute jamais, depuis 1945, la liberté n’avait été si menacée et jamais à ce point, la paix sur notre continent n’avait dépendu de nos décisions présentes ». Il précisait « liberté des peuples attaqués par les impérialismes et les puissances d’annexion, liberté bafouée quand les règles de la guerre sont effacées, quand chacun s’exonère du droit international, (…) Et quand il n’y a plus de règles, c’est la loi du plus fort qui l’emporte. »
Nul ne saurait contester ce rude constat. Il n’en est que plus étonnant et paradoxal que la réponse à ces menaces « existentielles » préconisée par le président de la République consiste précisément à emboiter le pas aux « prédateurs » et autres « puissances de déstabilisation » identifiés. Selon le président Macron, « nous assistons au retour du fait nucléaire », comme s’il avait disparu depuis 1945. En même temps, le chef de l’État le proclame haut et fort : « il est un pilier de notre sécurité qui ne vacillera pas, c’est notre dissuasion nucléaire. Totalement et invariablement souveraine, elle garantit notre liberté. » Sans entrer dans le détail, le président appelle à un renforcement de nos capacités militaires, sous-entendu y compris nucléaires.
L’actualisation de la Revue nationale stratégique 2025 (RNS) publiée le 14 juillet 2025 va plus loin puisqu’elle précise (§ 124) : « L’évolution de l’environnement stratégique appelle (…) à s’assurer de la pertinence des choix capacitaires qui sont faits pour armer les forces stratégiques ainsi que le bon dimensionnement de leur épaulement conventionnel. » En d’autres termes, il faut s’attendre à ce que l’arsenal nucléaire français, estimé aujourd’hui à 290 ogives, soit augmenté quantitativement et/ou qualitativement.
Certes, cet arsenal, toujours présenté comme conforme à la « stricte suffisance » de la dissuasion française, est bien inférieur à celui de la Russie ou des États-Unis (10 636 ogives à eux deux). Mais il est déjà capable d’infliger des destructions massives : comme s’en enorgueillissait un ancien commandant de sous-marin lanceur d’engins (SLNE), un seul d’entre eux emporte la capacité de 1000 Hiroshimas soit plus de 120 millions de morts. Comment faire croire que notre liberté serait accrue par une augmentation de cette puissance de destruction ? Comment un tel holocauste serait-il compatible avec le respect des lois de la guerre et du droit international dont la violation est fustigée par le chef de l’État ?
De surcroît, la RNS estime (§ 126) que « le risque d’une nouvelle vague de prolifération associé au délitement des traités et des normes de maîtrise des armements constitue un enjeu majeur pour la France et l’Europe. » Or comment rendre compatible une démarche de réarmement avec l’esprit et la lettre du Traité de Non-Prolifération qui oblige la France depuis 1992 à « poursuivre de bonne foi des négociations des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire. » ?
IDN, comme de nombreuses autres organisations de la société civile, réitère son appel en vue d’un débat national sur la défense et le bien-fondé du réarmement nucléaire.