En juillet 1985, un navire de Greenpeace a accosté à Auckland, en Nouvelle-Zélande, pour sa dernière escale avant de poursuivre sa route vers l’atoll de Mururoa afin de protester contre les essais nucléaires dans le Pacifique. À bord se trouvaient des militants et des bénévoles, dont un photographe nommé Fernando Pereira. Le 10 juillet, des agents français ont attaqué le navire, tuant Fernando. Cette attaque tragique est encore dans nos mémoires aujourd’hui. C’est un événement symbolique de la violence contre la paix et l’activisme antinucléaire par un État nucléaire.
Le Rainbow Warrior de Greenpeace avait déjà une longue histoire, médiatisée et controversée. Le navire a été au cœur de plusieurs missions anti-chasse à la baleine et antinucléaires, servant souvent de bouclier humain. Lors de cette mission, le Rainbow Warrior prévoyait de se rendre sur l’atoll de Mururoa, en Polynésie française. Après l’indépendance de l’Algérie en 1966, le gouvernement français y a transféré ses sites d’essais nucléaires. Ils ont effectué plus de 180 essais nucléaires, atmosphériques et souterrains, causant de nombreux problèmes sanitaires et environnementaux. Les essais souterrains ont provoqué des fissures dans l’atoll, faisant craindre des fuites de matières radioactives dans l’océan. L’objectif du Rainbow Warrior était de se rendre à Mururoa, de protester et de documenter les essais afin de sensibiliser le public au mouvement antinucléaire mondial.
Lors de la dernière escale du navire avant Mururoa, des agents de la DGSE française ont utilisé leur équipement de plongée pour placer deux bombes au fond du Rainbow Warrior. Le navire a coulé alors que Fernando, coincé sous le pont, s’est noyé. Moins d’une semaine après, deux agents de la DGSE française ont été arrêtés avec de faux passeports suisses et se faisant passer pour des touristes alors qu’ils tentaient de restituer une camionnette. Le mois suivant, l’enquête a révélé la présence d’une équipe française, comprenant des plongeurs et un soutien logistique. À ce moment-là, la France n’avait pas encore revendiqué l’attaque. En septembre, quelques documents ont révélé un lien direct avec le DGSE. Le 22 septembre, plus de deux mois après l’attentat, le Premier ministre français Laurent Fabius a finalement admis : « La vérité est cruelle. Les agents de la DGSE ont coulé ce bateau. Ils ont agi sur ordre ». Les deux agents ont plaidé coupables en Nouvelle-Zélande ont été condamnés à dix ans de prison.
La France et la Nouvelle-Zélande ont conclu un accord diplomatique, sous la médiation des Nations Unies, aux termes duquel la France s’engageait à verser 13 millions de dollars néo-zélandais à la Nouvelle-Zélande et à présenter des excuses publiques. La France a également versé 1,3 million de dollars néo-zélandais à Greenpeace. L’accord prévoyait également que les agents français seraient transférés à l’atoll de Hao, une base militaire française en Polynésie française, pour y purger une peine de trois ans de détention surveillée, avant de rentrer en France. Cependant, les agents sont finalement revenus un et deux ans plus tard respectivement. Cela a provoqué colère et déception en Nouvelle-Zélande, ce qui a tendu les relations franco-néo-zélandaises. Les essais nucléaires sur l’atoll de Mururoa se sont poursuivis jusqu’en 1996.
Un héritage de violence contre la paix
Le bombardement du Rainbow Warrior demeure un symbole des efforts déployés par une puissance nucléaire pour museler les protestations par la force et ainsi protéger ses propres intérêts. Dans ce cas précis, la France est allée jusqu’à violer le droit international et à tuer un innocent. Les manifestants non violents, hier comme aujourd’hui, prennent de grands risques en s’opposant à des gouvernements puissants. Des événements comme celui-ci démontrent l’importance de la transparence, de la responsabilité et du désarmement nucléaire. Le Rainbow Warrior est devenu un symbole de la lutte plus large contre la prolifération nucléaire et pour le désarmement, inspirant les générations futures à poursuivre son action. Les militants rendent hommage à ceux qui les ont précédés et poursuivent le combat pour le désarmement nucléaire : ils exigent transparence et justice de la part des États dotés d’armes nucléaires.
Article de Catie Clarke, stagiaire chez IDN