Le 21 février 2023, dans son discours à la Nation, le président Vladimir Poutine a annoncé que la Russie suspendait son application du Traité américano-russe New START sur la limitation des armements nucléaires stratégiques. Ce traité, signé en 2010 et prorogé en 2021 jusqu’en 2026, limite les arsenaux de chacune des deux principales puissances nucléaires à 1550 ogives stratégiques offensives déployées et à 800 vecteurs déployés et non déployés (missiles et bombardiers). Ces plafonds ont été atteints dès 2018 et sont respectés depuis lors. Puisque la Russie ne s’est pas officiellement retirée du traité, ces limites continuent de s’appliquer. En septembre 2021, après le sommet Biden-Poutine de Genève, de nouvelles discussions se sont ouvertes au sein du Dialogue sur la stabilité stratégique en vue de négocier un successeur au traité, mais la guerre en Ukraine y a mis un terme.
Les principales mesures faisant l’objet de la suspension par la Russie concernent les inspections mutuelles et les échanges de données. Les inspections avaient été suspendues pour cause de pandémie de COVID et devaient faire l’objet de discussions au sein de la Commission bilatérale consultative au Caire en décembre 2022, mais la Russie a unilatéralement ajourné ces pourparlers dans le contexte de la guerre en Ukraine. L’annonce de Poutine consiste à geler ce processus, ce qui est contre-productif car la Russie se prive ainsi de tout accès aux données et aux sites américains inspectés.
IDN condamne évidemment cette mesure, ainsi que l’annonce par Poutine de sa disposition à reprendre les essais nucléaires en réaction à une reprise des essais américains (laquelle avait été envisagée par Trump mais est exclue par l’administration Biden). S’ajoutant aux nombreuses menaces directes ou voilées de recours aux armes nucléaires en cas d’intervention occidentale aux côtés de l’Ukraine, les dernières annonces de Poutine contribuent à aggraver l’insécurité mondiale, abaisser le seuil d’emploi des armes nucléaires en violation du tabou maintenu depuis 1945, et à favoriser la prolifération en encourageant les pays se sentant menacés à acquérir l’arme nucléaire.
Il est grand temps que soient rétablies les négociations en vue de l’application du Traité New START et de l’adoption de nouvelles réductions des arsenaux des deux principales puissances nucléaires, y compris leurs armes non déployées, non stratégiques et défensives, auxquelles devraient se joindre les autres puissances nucléaires (Chine, Corée du Nord, France, Grande-Bretagne, Inde, Israël et Pakistan), indépendamment de la taille de leur arsenal ou de leur doctrine, afin de réduire d’urgence le risque nucléaire et de progresser vers un monde libéré de cette menace existentielle.