Un gouffre entre les déclarations du Président de la République et la réalité de sa politique

Déclaration de Roland Nivet, Co-porte-parole du Mouvement de la Paix, et Paul Quilès, Président d’IDN -Initiatives pour le Désarmement Nucléaire.

Les déclarations du Président la République lors de son parcours mémoriel et lors du forum sur la paix peuvent donner l’impression d’exprimer un diagnostic proche du nôtre quand il déclare à La Villette : « Le monde dans lequel nous vivons est fragilisé par des crises qui déstabilisent nos sociétés : crise économique, écologique, climatique, défi migratoire. Fragilisé par la résurgence de menaces capables de frapper à tout moment : terrorisme, prolifération chimique ou nucléaire »

Mais dans la réalité sa politique se situe à l’opposé. Elle tourne le dos au multilatéralisme, et elle est éloignée de la politique de paix, de coopération, de diplomatie de la confiance nécessaire pour faire face à des enjeux auxquels l’humanité n’a jamais encore été confrontée.

Multilatéralisme

Le Président de la République, a déclaré le 11 novembre sa « détermination à promouvoir les valeurs démocratiques et un ordre international fondé sur des règles et renforcé par des institutions multilatérales solides ».

Pourtant, la France, y compris sous sa Présidence, a refusé de participer aux conférences multilatérales sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires. Elle viole le TNP et elle inscrit 22 millions d’euros dans le budget 2019 pour la préparation du prochain sommet du G7 alors que le G7 est la réunion du club des Etats les plus puissants et les plus riches de la planète.

Armes nucléaires et violation du TNP

Il faut beaucoup d’aplomb au Président de la République pour oser affirmer que « le monde est fragilisé par la résurgence de menaces comme la menace nucléaire, qui est capable de frapper à tout moment », alors qu’il vient de faire voter à l’Assemblée Nationale une loi de programmation militaire (16 février 2018) qui prévoit le doublement des crédits consacrés aux armes nucléaires.

Il faut beaucoup d’aplomb pour parler de multilatéralisme et dans le même temps refuser d’appliquer l’article 6 du TNP, par lequel la France s’engage « à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ».

 Il faut beaucoup d’aplomb pour parler de multilatéralisme et du danger des armes nucléaires, alors que le représentant permanent de la France à l’ONU, sur mandat du Président de la République, a déclaré le 31 juillet 2017 à New York que « La France, le Royaume-Uni et les États-Unis n’ont pas participé à la négociation d’un traité d’interdiction des armes nucléaires. Nous n’avons pas l’intention de signer, de ratifier ou de devenir partie à ce traité ». Pourtant, ce traité a été adopté le 7 juillet par l’assemblée générale de l’ONU (enceinte institutionnelle du multilatéralisme) par 122 Etats, en application de l’article 6 ci-dessus cité.

Il faut par ailleurs beaucoup d’aplomb au Président d’un Etat, qui est le troisième vendeur d’armes au monde, de louer le multilatéralisme alors qu’il vend des armes à l’Arabie Saoudite engagée dans des opérations militaires au Yémen qui peuvent être considérées comme des crimes contre l’humanité.

Il faut enfin beaucoup d’aplomb au Président de la République pour présenter son projet d’armée européenne supposé se démarquer de l’Otan et des USA alors que la Ministre des armées, en visite en Finlande, réaffirmait le mois dernier que « Face à des menaces plus mouvantes, plus pernicieuses, plus difficiles à combattre et à appréhender, nous avons un besoin toujours aussi puissant d’une défense collective forte. Et le socle de cette défense collective est et demeure l’Otan……. La vision de la France est claire…. Il faut améliorer notre défense collective autour d’une Alliance crédible, unie, moderne et efficace ».

Les peuples attendent des mesures concrètes pour aller vers un monde de paix, de justice, de prospérité et de sécurité et non des discours qui visent à redorer le blason d’un président.

C’est peut-être parce que leur projet était porteur de telles propositions que l’Élysée a refusé à neuf ONG (1), dont 2 attributaires d’un prix Nobel de la paix, de venir présenter ce projet (2) dans l’enceinte du Forum pour la Paix, manifestant ainsi le refus d’un un vrai débat sur ces questions.

Roland Nivet, Co-porte-parole du Mouvement de la Paix, et Paul Quilès, Président d’IDN -Initiatives pour le Désarmement Nucléaire.

(1) AFCDRP (Association Française des Communes, Département et Régions pour la Paix), AMFPGN (Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire), Global Zero, GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la Paix et la sécurité (Bruxelles), IDN (Initiatives pour le Désarmement Nucléaire), Mouvement de la Paix, Pax Christi France, Pugwash France, The Simons Foundation (Canada).

(2) « 12 mesures concrètes pour éviter une guerre nucléaire » et propositions en matière de gouvernance du monde pour la paix.

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