Publié dans The Conversation
Maître de conférences en Histoire à l’Université de Glasgow, Timothy Noël Peacock revient sur l’histoire des films réalisés pour les premiers essais nucléaires américains dans le Pacifique et leur impact sur le cinéma.
Il explique que la plupart des images d’explosion nucléaire utilisées dans les films proviennent de l’Opération Crossroads, nom donné à deux tests conduits en juillet 1946. Contrairement à Trinity, qui s’est conduit dans le plus grand secret, les Etats-Unis voulaient ici, en plus de comprendre les effets de leurs bombes, démontrer leur puissance au monde. Ils ont pour cela utilisé la moitié du stock mondial de film, créant ainsi une pénurie à Hollywood et au-delà.
Tourné comme un blockbuster, le film des essais a conduit à des innovations qui se retrouveront plus tard dans le cinéma commercial, comme les caméras rapides ou les caméras drone. Ces images iconiques furent ensuite largement réutilisées, de Docteur Folamour à Bob l’Eponge. Cependant les habitants déplacés de l’atoll de Bikini ont eux été coupés au montage.
Pour l’auteur, c’est Godzilla qui incarne peut-être mieux que n’importe quelle franchise l’usage et la réinterprétation de ces images au cours de notre histoire récente. Le premier Godzilla sorti en 1954 était une critique japonaise des essais américains dans le Pacifique, en particulier celui de Castle Bravo. Dans le film, le dinosaure géant est réveillé par l’un de ces essais.
Mais le remake américain de 1998 fait lui porter la responsabilité de la création du monstre aux essais nucléaires français en Polynésie, tout en utilisant les images de Crossroads. Enfin le dernier remake sorti en 2014, lui aussi américain, explique que les tests avaient en réalité pour but de tuer le monstre, une inversion totale du propos de 1954.