Une reconnaissance internationale bienvenue

Dans une tribune au « Monde » parue le 9 octobre, l’ancien ministre socialiste de la Défense Paul Quilès, devenu un fervent partisan du désarmement nucléaire, estime que la France s’honorerait à avoir enfin un vrai débat sur le sujet.

Quel bonheur d’apprendre que le prix Nobel de la Paix a été attribué à ICAN-International, qui se bat pour l’interdiction de l’arme nucléaire ! C’est un encouragement appréciable pour toutes les associations et ONG qui militent depuis des années pour le désarmement nucléaire.

Parmi elles, l’association que je préside (IDN – Initiatives pour le désarmement nucléaire) se bat avec le même objectif. Naturellement, contrairement à une caricature fréquente dont nous sommes l’objet, nous ne réclamons pas un désarmement unilatéral, inconditionnel et immédiat, mais un désarmement multilatéral négocié, progressif et contrôlé.

Après avoir connu durant la guerre froide une certaine légitimité, l’armement nucléaire a perdu aujourd’hui l’essentiel de sa pertinence stratégique. La dissuasion nucléaire est un dispositif lourd, coûteux, qui ne correspond pas aux besoins de notre sécurité. Personne ne croit véritablement à l’utilité de l’armement nucléaire dans les conflits actuels (Moyen-Orient, Afrique, Ukraine…) ou pour combattre le terrorisme.

Danger mortel pour l’humanité

De plus, c’est l’existence même de ces armes qui représente un danger mortel pour l’humanité. Après la folle course aux armements qu’a connue le monde pendant quarante-cinq ans, il reste en effet environ 15 800 armes nucléaires dans le monde, sans aucun contrôle autre que national. Les risques d’accidents ou d’incidents et le terrorisme sous toutes ses formes constituent ainsi autant de risques d’une escalade nucléaire qui serait terriblement destructrice, instantanément et pour des siècles.

Nombre de personnalités – dont je suis – ont évolué dans leur appréciation de la pertinence de l’arme nucléaire

La nécessité de parvenir à un désarmement nucléaire est soutenue par de nombreuses personnalités françaises et étrangères ayant exercé de hautes responsabilités. Parmi les premières, citons Hervé Morin, l’ancien ministre de la défense, ou Cédric Villani, le mathématicien devenu député LREM. Et parmi les secondes, Mikhaïl Gorbatchev, Henry Kissinger, George Shulz, ou le directeur de l’AIEA (Agence internationale pour l’énergie atomique) : Mohamed El Baradei. Nombre d’entre elles – dont je suis – ont évolué dans leur appréciation de la pertinence de l’arme nucléaire.

Pour ce qui me concerne, la réflexion qui a suivi la fin de la guerre froide et les nombreux contacts internationaux que j’ai pu nouer depuis cette époque m’ont ouvert les yeux sur le caractère approximatif des théories et des croyances quasi religieuses qui fondent le concept de dissuasion. J’ai pu aussi, avec le recul, réaliser l’influence déterminante du « lobby militaro-industriel » si bien dénoncé par le président Eisenhower.

Une sorte d’omerta

On ne le dit pas souvent, mais lors du sommet américano-soviétique de Reykjavík en octobre 1986, Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev ont longuement débattu de la possibilité de détruire les stocks d’armes nucléaires avant l’an 2000. On sait aujourd’hui le rôle néfaste qu’ont joué les entourages dans l’échec de cette tentative.

Ce prix Nobel est une reconnaissance internationale bienvenue, alors qu’un traité d’interdiction des armes nucléaires vient d’être adopté par l’ONU. La France, fermement opposée à ce traité, s’honorerait d’avoir une attitude plus ouverte. Au minimum, le président de la République devrait permettre que s’ouvre enfin le débat, toujours interdit dans notre pays, sur la pertinence et l’avenir de l’arme nucléaire.

Ce sujet continue d’être l’objet d’une sorte d’omerta de la part des décideurs publics, qui, telles les autruches, s’enfoncent la tête dans le sable pour ne pas voir la réalité du monde d’aujourd’hui. Non seulement la France ne désarme pas comme elle s’était engagée à le faire en signant le traité de non-prolifération (article VI), mais elle double les crédits pour développer des armes nucléaires inutiles et néfastes, aux dépends des besoins criants de nos forces armées.

Dans ce monde complexe et incertain, il est devenu indispensable de repenser notre modèle de défense et de sécurité

J’invite nos dirigeants à se réveiller, à ouvrir les yeux et à comprendre qu’une voie politique et diplomatique valorisante s’ouvrirait à un président qui prendrait la tête des 122 États de l’ONU qui ont voté l’interdiction des armes nucléaires, et engagerait le monde dans une vraie désescalade des tensions et vers la construction d’une sécurité mondiale renforcée.

Le monde dans lequel nous vivons est en pleine mutation. Les hommes et les territoires sont de plus en plus interdépendants et, en même temps. Ils sont de plus en plus crispés sur des identités souvent antagonistes. Dans ce monde complexe et incertain, où de nombreux facteurs d’insécurité se mêlent ou s’entrecroisent, il est donc devenu indispensable de repenser notre modèle de défense et de sécurité pour faire face aux risques et aux menaces du XXIe siècle.

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