Publié dans MsMagazine
L’historienne Naoko Wake revient pour ce magazine féministe sur l’omerta entourant la souffrance des victimes américaines d’origine japonaise d’Hiroshima et Nagasaki. Les deux bombardements atomiques ont en effet eu des conséquences désastreuses pour des communautés établies de part et d’autre du Pacifique depuis le XIXe siècle. Ayant souffert de l’internement forcé durant la Seconde Guerre Mondiale, puis du racisme anti-asiatique qui prévalait durant la Guerre froide, les survivants ont été ignorés par la société américaine.
Un mouvement pour la reconnaissance des victimes a pris forme durant le mouvement pour les droits civiques dans les années 60-70. Mené majoritairement par des femmes, il s’est construit en solidarité avec les causes des autres communautés de couleur et n’était pas limité aux seuls Nippo-Américains. Des Américains d’origine coréenne ont en effet eux aussi été affectés par la bombe, et se sont de fait identifiés au combat.
Naoko Wake cite en particulier deux figures marquantes dans cette lutte, Mary Kazue Suyeishi et Julie Kumi Fukuda. Leurs efforts ont permis à leur communauté d’identifier leurs souffrances physiques, mentales et sociales et de créer une identité collective de « survivants ». Beaucoup eurent du mal à faire soigner les maladies liées à l’irradiation, du fait de la discrimination systémique en vigueur dans le système de santé américain.
Même si une reconnaissance officielle se fait encore attendre, les efforts de Mary Kazue Suyeishi ont permis de porter la voix des survivants jusqu’au Congrès américain. Mme Suyeishi est décédée en 2017 et Naomi Wake appelle la communauté asio-américaine à poursuivre son combat pour la reconnaissance de ces souffrances, et à les considérer comme une partie intégrante de son histoire.