Trump joue avec la course aux armements

Editorial du New York Times du 23 décembre 2016

trumpJuste après avoir provoqué des remous dans le monde entier avec un tweet alarmant expliquant que les Etats-Unis devraient « grandement renforcer et étendre leurs capacités nucléaires », le futur Président américain, Donald Trump, a explicité sa pensée, mais cela n’a réussi qu’à  renforcer toutes les craintes.

« Faisons-en une course aux armements » a-t-il dit dans une récente conversation téléphonique avec Mika Brzezinski (MSNBC). Il a ensuite prévenu les « adversaires nucléaires » des Etats-Unis que ces derniers les « surpasseraient sur tous les points et leur survivraient tous ».

Moins d’un mois avant de devenir Président – et d’hériter du pouvoir de lancer les armes les plus mortelles au monde – M. Trump joue à un jeu risqué. Il laisse entendre nonchalamment un bouleversement dans des politiques fondamentales et complexes à propos du rôle des armes nucléaires dans la défense des Etats-Unis et de leurs alliés. Et ses commentaires semblent une réaction instinctive au Président Vladimir Poutine, qui a promis jeudi de renforcer les missiles nucléaires de la Russie, dans un discours à son commandement militaire.

Pendant des décennies, la politique américaine a été de stabiliser les relations avec la Russie et de dissuader d’autres pays d’acquérir des armes nucléaires. Des provocations imprudentes risquent de défaire ce progrès.

Au fil du temps, les présidents américains ont travaillé avec leurs homologues russes pour réduire leurs arsenaux nucléaires, de 30.000 têtes nucléaires américaines au milieu des années 1960 et de 40.000 têtes russes au milieu des années 1980 à environ 7.000 chacun aujourd’hui. Et personne n’a mieux poursuivi ces réductions que les Républicains. En 1986, Ronald Reagan a même discuté avec Mikhaïl Gorbatchev, le dirigeant soviétique, de la possibilité de se débarrasser de toutes les armes nucléaires.

Depuis le Traité « New Start » de 2010, les Etats-Unis et la Russie ne peuvent déployer plus de 1550 têtes nucléaires chacun. Quand Obama est entré en fonction, il a envisagé un monde sans armes nucléaires, mais dans le même temps, a fixé un objectif plus réaliste de 1100 têtes déployées, ce qui est plus que suffisant pour détruire n’importe quel pays attaquant les Etats-Unis ou leurs alliés. Il fut incapable d’atteindre cet objectif, car la Russie a refusé d’aller plus loin dans les négociations.

Une nouvelle course aux armements saperait la crédibilité de Washington à prévenir la prolifération de ces armes. Le Traité de Non-Prolifération Nucléaire (TNP) demande aux cinq plus grandes puissantes nucléaires – Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France – d’aller vers le désarmement, en échange de la promesse des autres pays de ne pas en acquérir.

Le commentaire de Trump à propos de la course aux armements n’est pas sa seule divagation déstabilisante sur la défense. C’est ainsi qu’il a demandé pourquoi les Etats-Unis avaient des armes nucléaires s’ils ne peuvent pas s’en servir et il a même suggéré que cela ne ferait pas de mal au Japon de développer son propre arsenal nucléaire !

Nuclear Threat Initiative (NTI), un groupe dont l’ancien sénateur Sam Nunn a été co-Président et qui cherche à réduire le risque nucléaire, a expliqué dans un récent rapport que le risque d’utiliser des armes nucléaires soit par accident, soit par mauvais calcul, est plus grand que jamais depuis la Guerre froide, en partie parce que les deux camps ne se parlent plus sur ces sujets depuis quelque temps. Poutine vient de dire qu’il ne cherchait pas une nouvelle course aux armements. Au lieu de s’engager dans une compétition virile, Trump ferait mieux de chercher le dialogue avec la Russie pour réduire le risque nucléaire.

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