3000 scientifiques pensent que les arsenaux nucléaires nous mettent en danger

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Photo : Des membres de Future of Life, avec à leur tête Max Tegmark du MIT, présentent la lettre des scientifiques à Mme Elayne Whyte Gómez, du Costa Rica, qui préside les négociations (Photo Future of Life Institute)

Cet article est un résumé d’un article (en anglais) écrit par Dr. Max Tegmark*, publié par la publication en ligne Scientific American.

Face à des risques d’accidents et à l’hiver nucléaire, des scientifiques soutiennent le mouvement lancé par des Etats à l’ONU visant à interdire les armes nucléaires.

Introduction :

Plus de 3000 « scientifiques » (tels que des lauréats du prix Nobel et un ex-Secrétaire de la Défense américain) ont signé une lettre de soutien à l’initiative lancée à l’ONU concernant l’interdiction des armes nucléaires.

Si l’opinion publique se sent concernée par des dangers actuels (terrorisme, guerre nucléaire avec la Corée du Nord etc.), les scientifiques considèrent que le réel danger reste une guerre nucléaire entre les puissances mondiales. En effet la Corée du Nord ne présente qu’un danger limité car sa capacité technique est faible, alors qu’une guerre entre les puissances mondiales serait bien plus dévastatrice.

Pourquoi ?

Il existe plus de 14.000 armes nucléaires aujourd’hui dont la Russie et les Etats-Unis possèdent plus de 90%. Certaines de ces armes sont immédiatement prêtes à être lancées et sont bien plus puissantes que les bombes lâchées à Hiroshima ou Nagasaki.

Premier risque : L’hiver nucléaire

Un des plus grands risques serait l’effet secondaire des explosions : l’hiver nucléaire. Ce phénomène remet en cause tous les calculs précédents concernant le nombre potentiel de victimes dans une attaque nucléaire. En effet, peu importe la cible de l’attaque, les cendres, la poussière et la fumée auraient pour effet de bloquer la lumière du soleil et faire chuter les températures sur terre. Certaines études prévoient des chutes de températures régionales jusqu’à 35 degrés Celsius, ce qui aurait pour effet de détruire toute source de nourriture.

Le problème avec ces théories est qu’il est difficile de prévoir quelle quantité de fumée rendrait sévère cet hiver nucléaire, et quelle en serait la durée potentielle. Il n’y a aucune garantie que l’humanité survive et c’est pourquoi certains voudraient changer l’expression « Mutually Assured Destruction » (MAD – Destruction mutuelle assurée) avec « Self-Assured Destruction » (SAD – Destruction auto-assurée). L’idée étant qu’il suffit qu’une seule des superpuissances lance ses missiles pour que l’humanité entière soit détruite.

Une étude récente a fait valoir que la chute de température causée par une guerre même limitée entre l’Inde et le Pakistan mettrait en danger les ressources vitales de plus de 2 milliards de personnes (la plupart en dehors des Etats belligérants).

Deuxième risque : Les accidents

Les Etats qui ne détiennent pas l’arme nucléaire trouvent injuste que certains Etats mettent en danger la terre entière en détenant autant d’armes nucléaires. Plusieurs accidents se sont déjà produits et la communauté internationale craint donc qu’un de ces accidents puisse dégénérer en catastrophe globale.

C’est une des raisons pour laquelle les Etats s’étaient entendus pour signer en 1970 le TNP qui impose, à son article VI, que les parties cherchent à continuer les négociations de bonne foi afin d’atteindre le résultat de désarmement nucléaire. Si les Etats qui ne détiennent pas l’arme nucléaire tiennent leurs engagements (i.e. ne pas obtenir la bombe, maintenir des recherches non-militaires etc.), ces derniers reprochent aux puissances nucléaires de ne pas respecter les leurs. En effet, les Etats-Unis et la Russie ont récemment annoncé des plans de modernisation de leurs armes nucléaires. La Russie a annoncé l’existence d’une bombe « doomsday » (c’est à dire une bombe « d’auto-destruction » qui se déclencherait en cas d’attaque et causerait un cataclysme mondial) et les Etats-Unis souhaitent remplacer les anciennes bombes avec de nouvelles, plus adaptés aux premières frappes.

De plus, l’Inde, le Pakistan et Israël ont rejoint le club des puissances nucléaires sans répercussions majeures.

Solution : Faire pression

L’exaspération des Etats non-dotés de l’arme nucléaire a donc mené à une initiative au sein de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, où 123 de ces Etats ont lancé un projet de négociations sur l’interdiction de l’arme nucléaire. Clairement, cette interdiction ne sera pas respectée du jour au lendemain par les puissances nucléaires, mais l’auteur pense qu’elle exercerait une pression sur les puissances ne respectant pas leurs engagements.

L’auteur exprime l’argument que ce n’est qu’en stigmatisant les armes nucléaires que nous pourrons faire pression sur les puissances nucléaires, citant comme exemple la stigmatisation par la communauté internationale du gouvernement Sud-africain durant l’apartheid.

Ceux qui soutiennent l’interdiction des armes nucléaires s’inspirent en partie du traité d’Ottawa de 1997 interdisant l’utilisation de mines terrestres (mines anti-personnel). Si les superpuissances refusent toujours de signer ce traité, la stigmatisation des mines est telle que l’opinion publique retient de ces armes non plus qu’il s’agit d’armes destinées à assurer la sécurité nationale mais plutôt l’image d’enfants mutilés par ces bombes. Depuis, le marché de mines terrestres s’est quasiment effondré, et même le Pentagone a dit ne plus en utiliser ailleurs que dans la péninsule coréenne.

Les Etats qui ne détiennent pas l’arme nucléaire espèrent donc que leur mouvement aura des effets similaires, forçant les superpuissances à réduire leurs arsenaux sinon à les éliminer.

Extrait de la lettre :

Les scientifiques, tout en faisant valoir leur propre responsabilité en tant que communauté créatrice de la bombe, se mobilisent pour dénoncer les dangers des armes nucléaires et encourager le désarmement. Ils reprennent les arguments de l’hiver nucléaire et des accidents potentiels en citant la phrase de Ronald Reagan « Une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais avoir lieu ».

Toutefois, les scientifiques font valoir qu’il y a des raisons d’être optimiste concernant les actions entreprises à l’Assemblée Générale des Nations-Unies visant à interdire l’arme nucléaire. Ils rejoignent donc ces efforts pour stigmatiser l’utilisation de l’arme nucléaire. Ils encouragent leurs gouvernements respectifs à respecter cette interdiction car l’arme nucléaire est dangereuse pour toute la planète, qu’on la détienne ou pas.

* L’auteur : Dr. Max Tegmark est professeur à la prestigieuse Massachussetts Institute of Technology (MIT). Diplômé de l’Institut Royal de la Technologie de Stockholm, de la Stockholm School of Economics et ayant obtenu son doctorat à l’Université de Berkeley California, Dr. Tegmark est un expert en cosmologie et en physique quantique. Il réalise fréquemment des projets avec le British Broadcasting Company (BBC) et écrit de nombreux articles pour la publication « Scientific American », dont celui-ci.

Référence :

L’article de Dr. Tegmark peut être retrouvé dans sa version originelle sur le site du Scientific American à l’addresse suivante :

https://blogs.scientificamerican.com/observations/why-3-000-scientists-think-nuclear-arsenals-make-us-less-safe/

Tegmark, Max. « Why 3,000 Scientists Think Nuclear Arsenals Make Us Less Safe. »Scientific American Blog Network. Scientific American, 26 May 2017. Web. 12 June 2017.

  • En relation avec de texte, voir l’excellente vidéo :

“Nuclear Winter and the futility of nuclear bombs as deterrents” (18 min TED talk video)

http://www.youtube.com/watch?v=qsrEk1oZ-54

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