Conférence sur le TNP : désaccords fondamentaux sur l’avenir des armes nucléaires

La deuxième session du Comité préparatoire à la Conférence d’examen quinquennale du Traité de Non-Prolifération (TNP) de 2020 vient de s’achever à Genève sur un constat de désaccord fondamental entre les quelques pays soutenant le maintien des armes nucléaires et la majorité des États favorables à leur interdiction et leur élimination. La divergence principale qui s’est exprimée au cours de la session a, sans surprise, porté sur le Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN), adopté par plus de 120 États en juillet 2017. Cette session augure mal des prochaines échéances, dont la Conférence d’examen de 2020, qui coïncidera avec le cinquantenaire de l’entrée en vigueur du TNP.

Article de Marc Finaud, ancien diplomate français, membre du Bureau d’IDN.

Mme Alice Guitton, ambassadrice, représentante permanente de la France auprès de la Conférence du désarmement à Genève, Chef de la délégation française.

La deuxième session du Comité préparatoire à la Conférence d’examen quinquennale du Traité de Non-Prolifération (TNP) de 2020 vient de s’achever à Genève sur un constat de désaccord fondamental entre les quelques pays soutenant le maintien des armes nucléaires et la majorité des États favorables à leur interdiction et leur élimination. Comme par le passé, l’objectif d’une telle réunion ne pouvait consister en la recherche d’un document final acceptable par tous. Aussi le président polonais de la session, l’Ambassadeur Adam Bugajski, n’a-t-il surpris personne en présentant en son nom propre un « résumé factuel » (en 115 points) des positions présentées par les uns et les autres.

Certes, le président ne s’attendait pas à être encensé pour sa tentative de refléter le plus objectivement possible la diversité des points de vue. Il a pourtant dû être surpris et déçu d’entendre une quarantaine de délégations critiquer son document. En particulier, nombre de délégués se sont élevés devant un certain flou artistique donnant l’impression d’un consensus là où des divergences étaient apparues au cours du débat.

Par exemple, alors que de nombreux pays avaient fustigé tous les programmes de modernisation des arsenaux nucléaires en cours, le rapport ne mentionne que certains d’entre eux.

De même, tandis que le plan d’action adopté par la Conférence d’examen de 2010 comportait 64 engagements, dont la plupart n’ont pas été respectés, le document ne se réfère de manière sélective qu’à un petit nombre d’entre eux.

Sur le plan régional, les crises de la péninsule coréenne et du Moyen-Orient ont été abondamment discutées. Mais les pays arabes ont protesté contre l’absence, dans le rapport, de tout appel à Israël à adhérer au TNP. En revanche, le président a dûment rendu compte du soutien général au respect de l’accord avec l’Iran et aux perspectives de dénucléarisation de la Corée du Nord.

La divergence principale qui s’est exprimée au cours de la session a, sans surprise, porté sur le Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN), adopté par plus de 120 Etats en juillet 2017. Alors que cette majorité s’est reflétée dans un appui explicite apporté au TIAN, le rapport du président se borne à en « prendre note » (§ 40), source de frustration pour ces pays.

Celle-ci a été aggravée par la faveur accordée aux puissances nucléaires de voir leur position nationale réitérée en détail dans le document d’une manière perçue comme complaisante. Ainsi, le paragraphe exprimant la position de la France (§ 21) contient-il notamment l’idée que « les armes nucléaires jouent un rôle limité dans sa doctrine de défense », tandis que la déclaration prononcée par la représentante française évoquait seulement une « doctrine de dissuasion, limitée à la défense des intérêts vitaux, dans des circonstances extrêmes de légitime défense, conformément à la Charte des Nations unies ». Or. Comme l’a déclaré le président Macron, la France en fait « la clé de voûte » de sa sécurité. Concrètement cela se traduit par une nouvelle hausse du budget de la loi de programmation militaire 2019/2025 (37 milliards d’euros contre 23,3 dans la LPM précédente)  assurant un renouvellement de tous les systèmes d’armes nucléaires et une pérennisation de ceux-ci jusqu’en 2080. On est donc loin de la notion de la « bonne foi » inscrite dans l’article VI du TNP, liée à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement.

Soulignons que, lors de la séance de clôture (4 mai 2018), Alice Guitton, Ambassadeur de France, a indiqué « que sur chacun des sujets sur lesquels les divergences de vues persistent, il importe plus que jamais de poursuivre le dialogue dans un esprit constructif ». Il faudrait lui rappeler que depuis les premières initiatives (intergouvernementales ou onusiennes) sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires (Oslo, 2013), la France a toujours décidé de laisser sa chaise vide.

Au total, on ne pouvait s’attendre, de la part du représentant d’un pays de l’OTAN, probablement soumis à d’intenses pressions de la part des puissances nucléaires occidentales, à un résumé plus conforme à la réalité des positions exprimées avec force par les partisans du désarmement nucléaire. Le résultat ne parvient que partiellement à dissimuler l’ampleur des divergences entre ceux-ci et les puissances nucléaires, un exercice qui augure mal des prochaines échéances, dont la Conférence d’examen de 2020, qui coïncidera avec le cinquantenaire de l’entrée en vigueur du TNP.

[1] Ancien diplomate français. Membre du Bureau d’IDN.

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