Déclaration commune au Comité préparatoire de 2023 pour la 11e Conférence d’examen du Traité de Non-Prolifération (TNP)

Sécurité commune et dissuasion nucléaire

Comment remplacer la dépendance actuelle à l’égard des armes nucléaires par une sécurité durable pour tous 

Déclaration commune au Comité préparatoire de 2023 pour la 11e Conférence d’examen du Traité de Non-Prolifération (TNP)

Une initiative de Basel Peace Office, UNFOLD ZERO, World Future Council et World Federalist Movement – Institute for Global Policy

Soutenue par 125 organisations internationales ou de 30 pays

(voir liste complète in fine)

Contacts : info@unfoldzero.org  www.unfoldzero.org

 

 

Introduction

La toute première résolution des Nations unies a fixé l’objectif de parvenir à l’élimination mondiale des armes nucléaires et des autres armes de destruction massive (ADM). Cet objectif a été affirmé comme une obligation dans le Traité de non-prolifération (TNP) entré en vigueur en 1970. Les États parties au TNP se sont engagés à mettre en œuvre cet objectif lors des conférences d’examen successives. Toutefois, cet objectif n’a toujours pas été atteint.

Les campagnes visant à souligner l’impact humanitaire des armes nucléaires et l’illégalité de la menace et de l’utilisation de ces armes ont contribué à freiner leur utilisation effective – aucune arme nucléaire n’a été utilisée dans le cadre d’un conflit armé depuis 1945. Mais ces campagnes n’ont eu que peu ou pas d’impact sur la production, la possession et le déploiement d’armes nucléaires, qui se poursuivent aujourd’hui grâce à un budget de 100 milliards de dollars par an de la part des puissances nucléaires.

En effet, on compte actuellement neuf pays dotés d’armes nucléaires et 37 autres pays qui s’appuient sur la dissuasion nucléaire. Bien qu’ils constituent une minorité numérique parmi les États membres des Nations unies, ces pays représentent la majeure partie de l’hémisphère nord et près des deux tiers de la population mondiale.

La principale raison pour laquelle un nombre aussi important de pays dépendent des armes nucléaires est que la dissuasion nucléaire est perçue par eux comme un gage de sécurité, en particulier contre les actes d’agression. Les armes nucléaires continueront donc à faire partie des doctrines de sécurité jusqu’à ce que les États dotés d’armes nucléaires et leurs alliés soient convaincus que la sécurité offerte par les armes nucléaires n’est plus nécessaire ou que la dissuasion nucléaire peut être remplacée par d’autres solutions crédibles. La sécurité commune pourrait fournir de telles alternatives crédibles et apporter ainsi une contribution vitale à la construction du cadre pour la paix et la sécurité d’un monde libéré des armes nucléaires.

 

La sécurité commune

La sécurité commune est une approche visant à assurer la sécurité nationale en tenant compte de ses propres besoins en matière de sécurité ainsi que de la sécurité des autres nations, y compris de ses adversaires. Elle repose sur l’hypothèse qu’une sécurité nationale durable ne peut être obtenue en sapant ou en menaçant la sécurité des autres pays, mais plutôt en résolvant les conflits avec ses adversaires et en veillant à ce que la sécurité de tous soit préservée. Elle repose sur la diplomatie, la négociation, la médiation, l’arbitrage et l’application du droit international pour garantir l’équité et la sécurité de tous.

La sécurité commune n’exclut pas la défense nationale et une certaine dépendance à l’égard de la puissance militaire pour assurer la sécurité. Toutefois, un cadre de sécurité commune met davantage l’accent sur la résolution des conflits et le droit international, en réservant les approches militaires au dernier recours, en réponse à une agression si toutes les autres méthodes échouent et dans le strict respect de la Charte des Nations unies.

Les Nations unies et l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) sont deux exemples d’organisations internationales fondées sur des principes de sécurité commune. La Charte des Nations unies, par exemple, interdit aux États membres de l’ONU de recourir à la menace ou à l’emploi de la force et exige que les conflits internationaux soient résolus pacifiquement par « la négociation, l’enquête, la médiation, la conciliation, l’arbitrage, le règlement judiciaire, le recours à des organismes ou accords régionaux ou à d’autres moyens pacifiques de leur choix ». L’Acte final d’Helsinki (1975), qui a servi de base à la création de l’OSCE, prévoit des obligations similaires. La Déclaration de Lisbonne sur un modèle de sécurité commun et global pour l’Europe du XXIe siècle, adoptée par l’OSCE en 1996, précise le cadre de sécurité commune de l’OSCE.

 

Sécurité commune, agression et dissuasion nucléaire

Les approches et les mécanismes de sécurité commune décrits dans la Charte des Nations unies, l’Acte final d’Helsinki et la Déclaration de Lisbonne peuvent être utilisés pour résoudre les conflits internationaux avant qu’ils ne dégénèrent en conflits armés. Ils peuvent également remplacer la dissuasion nucléaire pour faire face à l’agression, à la menace d’agression, à d’autres menaces contre la paix et à des violations graves du droit international. Une meilleure utilisation des approches de sécurité commune pourrait donc faciliter la transition de la dissuasion nucléaire à la sécurité non nucléaire.

Toutefois, cette transition comporte de nombreux défis, des questions méritant une réponse et des problèmes de confiance.

Afin de faciliter le remplacement de la dissuasion nucléaire par la sécurité commune, nous recommandons aux États parties au TNP de créer un organe subsidiaire chargé d’identifier l’ensemble des menaces théoriques et réelles pour la sécurité auxquelles la dissuasion nucléaire est censée répondre, d’explorer les alternatives à la dissuasion nucléaire en matière de sécurité commune et de forces militaires conventionnelles pour faire face à ces menaces, et de formuler des recommandations sur la transition de la dissuasion nucléaire à la sécurité non nucléaire.

Les États non nucléaires s’appuient déjà sur la sécurité commune (et les forces militaires conventionnelles) pour assurer leur sécurité. Leur expérience pourrait être utile aux États dotés de l’arme nucléaire et à leurs alliés dans le cadre de la transition vers une sécurité non nucléaire. L’expérience des États qui comptaient sur les armes nucléaires et qui sont déjà passés à une sécurité non nucléaire (comme le Kazakhstan, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud) pourrait s’avérer particulièrement précieuse.

 

Renforcer la confiance dans la sécurité commune – l’Assemblée générale des Nations unies et la Cour internationale de justice

Malheureusement, la crédibilité de la sécurité commune est remise en cause par le droit de veto des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (P5), qui permet à chacun d’entre eux de bloquer toute action en réponse à des actes d’agression ou à des menaces contre la paix qui en découlent. Toutefois, les cinq membres permanents ne disposent pas du droit de veto pour bloquer l’action d’autres organes des Nations unies, en particulier l’Assemblée générale des Nations unies et la Cour internationale de justice (CIJ).

L’adoption, en avril 2022, de la résolution 76/262 de l’AGNU intitulée « Mandat permanent pour un débat de l’Assemblée générale en cas de veto du Conseil de sécurité » a renforcé le pouvoir de l’AGNU d’agir en cas d’agression ou de menace contre la paix. Cette autorité d’agir quand le Conseil de sécurité est paralysé a déjà été exercée par l’AGNU en premier dans le cadre de la résolution « L’Union pour le maintien de la paix » lors de la guerre de Corée et plus récemment en réponse à l’invasion russe de l’Ukraine. L’Assemblée générale a adopté certaines résolutions qualifiant l’invasion d’acte d’agression en violation de la Charte des Nations Unies et déclarant que l’annexion par la Russie des territoires ukrainiens était invalide et illégale.

La CIJ a démontré, dans de nombreuses affaires contentieuses et dans ses avis consultatifs, qu’elle pouvait traiter les cas d’agression (y compris la menace ou l’utilisation d’armes nucléaires), les conflits territoriaux et d’autres menaces à la paix. Un recours accru à la Cour dans de telles affaires – et une acceptation accrue de la compétence de la CIJ – renforceraient la confiance dans la capacité de la sécurité commune à remplacer la dissuasion nucléaire.

Nous encourageons tous les États qui ne l’ont pas encore fait à déclarer qu’ils acceptent la compétence de la CIJ. Nous saluons la Déclaration sur la promotion de la juridiction de la Cour internationale de justice, à laquelle 33 pays ont souscrit, ainsi que l’initiative de la société civile intitulée « Legal Alternatives to War, Towards Universal Jurisdiction of the International Court of Justice » (Alternatives juridiques à la guerre, vers une juridiction universelle de la Cour internationale de justice).

 

Sécurité commune, dissuasion nucléaire et invasion russe de l’Ukraine

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine a démontré que la dissuasion nucléaire, bien que rationnelle sur le papier, pouvait échouer ou être rendue inutile dans des situations réelles. Le président Poutine a tenté d’utiliser la dissuasion nucléaire comme outil de coercition pour empêcher le soutien militaire occidental à l’Ukraine. Cette tentative a échoué. Les soutiens de l’Ukraine lui ont fourni une aide militaire substantielle sans se laisser décourager par les menaces nucléaires, et cette aide a constitué l’une des principales raisons de l’échec de la Russie à soumettre l’Ukraine. De l’autre côté, le gouvernement des États-Unis a pris conscience que des menaces nucléaires contre la Russie constitueraient une escalade et seraient dangereuses. Cela a incité les États-Unis à explorer et à mettre en œuvre des réponses non nucléaires aux menaces nucléaires russes.

Cette prise de conscience a également conduit à la remarquable déclaration des dirigeants du G20 à Bali, selon laquelle « la menace ou l’utilisation d’armes nucléaires est inadmissible ». Cette déclaration devrait être confirmée et mise en œuvre lors de la 11e Conférence d’examen du TNP.

Ces développements fournissent un terrain fertile pour que les États parties au TNP reprennent notre recommandation d’établir un organe subsidiaire afin d’entreprendre une évaluation spécifique des rôles des armes nucléaires dans les conflits et des alternatives de sécurité commune/conventionnelles aux armes nucléaires dans chacune de ces situations. En effet, dans un monde de plus en plus interconnecté et globalisé, la dissuasion nucléaire, combinée à des risques très élevés, présente déjà beaucoup moins d’utilité, alors que la sécurité commune offre beaucoup plus de potentiel et de pertinence pour répondre aux menaces actuelles et émergentes à la sécurité, réduire les tensions, résoudre les conflits internationaux et garantir une paix durable.

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Organisations soutenant cette Déclaration
(Les organisations sont internationales/régionales ou nationales des pays mentionnés entre parenthèses)

  • All Souls Nuclear Disarmament Task Force (États-Unis)
  • Anglican Pacifist Fellowship (États-Unis)
  • Anglican Pacifist Fellowship NZ (Nouvelle-Zélande)
  • Aotearoa Lawyers for Peace (Nouvelle-Zélande)
  • Arab Center for Cyberspace Research (Egypte)
  • Arab Human Security Network
  • Asociación Española para el Derecho Internacional de los Derechos Humanos (Espagne)
  • Association des Médecins français pour la Prévention de la Guerre Nucléaire, IPPNW (France)
  • Association of Swiss Lawyers for Nuclear Disarmament (Suisse)
  • Association of World Citizens Baltimore Nonviolence Center (États-Unis)
  • Bangladesh NGOs Network for Radio and Communication (Bangladesh)
  • Basel Peace Office (Suisse)
  • Blue Banner (Mongolie)
  • Bolcris International
  • Canadian Pugwash Group (Canada)
  • Center for Peace and Global Governance (États-Unis)
  • Center for Political Ecology (États-Unis)
  • Christian CND (Royaume-Uni)
  • Citizens for Global Solutions (États-Unis)
  • CND Cymru – Campaign for Nuclear Disarmament in Wales (Pays de Galles)
  • Cultural Youth Movement Education Foundation (Nigéria)
  • Democracia Global (Argentine)
  • Democracy Today (Arménie)
  • Democracy Without Borders
  • Disability Peoples Forum (Ouganda)
  • Federal Union (Royaume-Uni)
  • Finnish Christian Peace Association (Finlande)
  • Foundation for Global Governance and Sustainability
  • G100 Defence and Security Wing
  • Gender, Peace and Security (Royaume-Uni)
  • Genesee Valley Citizens for Peace (États-Unis)
  • Global Coalition for limitation of Armaments
  • Global Peace Alliance BC Society (Canada)
  • Global Rights (Nigéria)
  • Global Security Institute (États-Unis)
  • Green Hope Foundation
  • Hawai’i Institute for Human Rights (États-Unis)
  • Health of Mother Earth Foundation (Nigéria)
  • Hitma Organization for Cultural and Social Development (Kurdistan irakien)
  • Home for Humanity Movement for Human and Planetary Regeneration
  • Human Survival Project (Australie)
  • Initiatives pour le Désarmement Nucléaire (France)
  • Institute for Cultural Diplomacy in Berlin and New York (Allemagne/ États-Unis)
  • Institute of Global Peace and Sustainable Governance (Australie)
  • International Affairs and Disarmament Aotearoa Committee (Nouvelle-Zélande)
  • International Center for Multi-Generational Legacies of Trauma
  • International Community for Georgia Development and the Progress (Géorgie)
  • International Philosophers for Peace
  • Internationaler Versöhnungsbund Österreichischer Zweig (Autriche)
  • Interfaith Communities United for Justice and Peace (États-Unis)
  • KAIROS Salmon Arm BC (Canada)
  • Keen and Care Initiative (Nigéria)
  • Maat for Peace, Development and Human Rights (Egypte)
  • Malaysian Youth Diplomacy (Malaisis)
  • Mali Peace and Security Network (Mali)
  • Marrickville Peace Group (Australie)
  • Maryknoll Office for Global Concerns (États-Unis)
  • Minnesota Peace Project (États-Unis)
  • Movement for the Abolition of War (Royaume-Uni)
  • Mundo sin guerras y sin violencia (Chili)
  • My World Mexico (Mexique)
  • National Coalition of Civil Society Organizations of Liberia (Libéria)
  • National Council of Turkish Women (Turquie)
  • National Forum for Human Rights (Yémen)
  • NGO Committee on Disarmament, Peace and Security (États-Unis)
  • New Zealand Nuclear Free Peacemakers (Nouvelle-Zélande)
  • NoFirstUse Global
  • Nonviolence International
  • Ohio Nuclear Free Network (États-Unis)
  • Oregon PeaceWorks (États-Unis)
  • Pax Christi Australia (Australie)
  • Pax Christi Korea (Corée du Sud)
  • Pax Christi-Pilipinas (Philippines)
  • Pax Christi Scotland (Royaume-Uni)
  • Pax Christi USA (États-Unis)
  • Peace Action Wisconsin (États-Unis)
  • Peace and Justice Task Force of the Parliament of the World’s Religions
  • Peace Child (Royaume-Uni)
  • Peace Culture Village (Japon)
  • Peace Depot (Japon)
  • Peace Network Korea (Corée du Sud)
  • Peace Union of Finland (Finlande)
  • People for Nuclear Disarmament (Australie)
  • Physicians for Social Responsibility/International Physicians for the Prevention of Nuclear War Switzerland (Suisse)
  • Proposition One Campaign for a Nuclear-Free Future (États-Unis)
  • Pugwash-France (France)
  • Religions for Peace Canada
  • Religions pour la Paix – Québec (Canada)
  • Rideau Institute (Canada)
  • Saving Humanity and Planet Earth – SHAPE
  • Science for Peace (Canada)
  • Scientists for Global Responsibility (Australie)
  • Scientists for Global Responsibility (Royaume-Uni)
  • The Simons Foundation (Canada)
  • Southern Anti-Racism Network (États-Unis)
  • Sustainable Common Security (Canada)
  • Uganda Peace Foundation (Ouganda)
  • Ukraine War Environmental Consequences Work Group
  • Union des Amis Socio Culturels d’Action en Développement (Haïti)
  • UNFOLD ZERO
  • Union of European Federalists (France)
  • United Nations Association of Fiji (Fidji)
  • United Nations Association of New Zealand (Nouvelle-Zélande)
  • United Nations Association USA – Mid Peninsula Chapter (États-Unis)
  • Uniting for Peace (Royaume-Uni)
  • Universal Peace Federation (Royaume-Uni)
  • Utah Campaign to Abolish Nuclear Weapons (États-Unis)
  • Veterans for Peace Hector Black Chapter (États-Unis)
  • Veterans for Peace Linus Pauling Chapter (États-Unis)
  • Washington Physicians for Social Responsibility (États-Unis)
  • Westminster United Nations Association (Royaume-Uni)
  • WE The World
  • WFM Youth Forum (Japon)
  • World Academy of Art and Science
  • World Beyond War Aotearoa (Aotearoa-Nouvelle-Zélande)
  • World Citizens Association of Australia (Australie)
  • World Federalist Movement Canada (Canada)
  • World Federalist Movement – Institute for Global Policy
  • World Federalist Movement International Membership Organization
  • World Future Council
  • WPC Media Private Limited (Sri Lanka)
  • Yorkshire CND (Royaume-Uni)
  • Young World Federalists
  • Youth Fusion
  • 80,000 Voices (Royaume-Uni)

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Mathilda C.

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