La Russie retire sa ratification du Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) : une gesticulation inutile et dangereuse

C’est désormais internationalement officiel : le 8 novembre 2023, la Fédération de Russie a notifié au Secrétaire général de l’ONU, Dépositaire du Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), le retrait de sa ratification du traité, laquelle était intervenue le 30 juin 2000 après sa signature le 24 septembre 1996. Ce geste fait suite à l’adoption, le 17 octobre, d’une loi par la Douma à la demande du président Poutine, loi confirmée par le Conseil de la Fédération le 25 octobre et signée par le chef de l’Etat russe le 2 novembre 2023.

Comme la plupart des ONG et centres de recherche, IDN condamne vivement cette démarche.

Ce traité, qui interdit de manière vérifiable les essais explosifs d’armes nucléaires, ouvert à la signature le 24 septembre 1996, requiert la ratification de 44 États énumérés dans son Annexe 2, y compris les neuf pays possesseurs d’armes nucléaires, pour entrer en vigueur. Avant le geste de la Russie, il ne manquait plus que la ratification de huit États (Chine, Corée du Nord, Égypte, États-Unis, Inde, Iran, Israël, Pakistan) pour permettre au traité de devenir obligatoire pour tous ses États parties.

Après avoir régulièrement fustigé Washington ces deux dernières décennies pour sa non-ratification du Traité (due à l’insuffisance de votes positifs au Sénat), Moscou affirme désormais rechercher la parité ou un statut équivalent à celui des États-Unis, tout en restant signataire du traité et en contribuant à son système de vérification, qui est, lui, opérationnel et géré par l’Organisation du TICE à Vienne. 

Rappelons que, selon le droit international (article 18 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités), un Etat signataire d’un traité non encore entré en vigueur « doit s’abstenir d’actes qui priveraient un traité de son objet et de son but ». En l’occurrence, un Etat signataire du TICE n’a pas le droit de procéder à des essais explosifs d’armes nucléaires.

Le retrait de la ratification russe est intervenu après les menaces de recours à l’arme nucléaire proférées par Moscou depuis le début de la guerre en Ukraine et la mise en garde de Vladimir Poutine annonçant la reprise des essais nucléaires au cas où les États-Unis reprendraient les leurs. Cette dernière hypothèse n’est appuyée par aucune déclaration officielle américaine ; seul le président Trump avait curieusement agité cette idée, que son administration s’était bien gardée de suivre d’effet. 

Les menaces russes ont été accompagnées de mouvements autour du centre d’essais russe de Nouvelle-Zemble inactif depuis 1990, visité par le ministre de la Défense Serguei Choïgou en août 2023. La Russie s’est livrée à cette gesticulation sachant pertinemment que les satellites d’observation occidentaux les repèreraient.

On peut donc analyser la démarche russe comme participant de sa stratégie de pression et d’intimidation envers les soutiens de l’Ukraine. Il semble en effet peu probable que la Russie aille jusqu’à procéder à de véritables explosions nucléaires dont elle n’a eu nullement besoin pour maintenir, moderniser et développer son arsenal nucléaire. Elle se livre en effet, comme les autres puissances nucléaires dont la France, à des simulations par ordinateur et laser. 

Si le gouvernement russe recourait à des essais explosifs, il prendrait des risques considérables : de telles explosions, même souterraines, provoquent des effets catastrophiques sur l’environnement ; la grande majorité des pays, y compris dans le « Sud Global » que courtise Poutine, s’y opposeraient ; certains pays ayant cessé leurs essais, comme l’Inde, le Pakistan ou la Corée du Nord, seraient tentés d’imiter Moscou, entraînant une nouvelle vague de prolifération. Au total, la Russie envoie donc un dangereux signal qui s’ajoute à sa suspension du Traité américano-russe New START en février 2023, déjà condamnée par IDN.

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