Selon l’ancien Secrétaire à la Défense américain William Perry, le risque d’une guerre nucléaire n’a jamais été aussi élevé depuis la Guerre froide. Pendant des décennies, la dissuasion nucléaire a été présentée comme un instrument destiné à empêcher la guerre, reposant sur la peur de représailles dévastatrices en cas d’agression. Or les évolutions récentes tant des doctrines (telles la « Nuclear Posture Review » de Donald Trump) que des choix ou des aléas technologiques (cyber, intelligence artificielle) contribuent à briser ce tabou du « non-emploi ». Elles abaissent dangereusement le seuil d’utilisation des quelque 15.000 armes nucléaires existantes et entraînent le monde vers le cataclysme : recours aux missiles de croisière voire aux missiles hypersoniques, miniaturisation des têtes nucléaires, scénarios d’escalade vers le nucléaire en cas d’attaque conventionnelle, chimique, biologique, voire cybernétique, risques croissants d’utilisation accidentelle ou terroriste et de piratage informatique, etc.
Pour les responsables de l’association Initiatives pour le Désarmement Nucléaire (IDN), comme pour de nombreux Etats et personnalités dans le monde, la seule façon efficace d’empêcher la guerre nucléaire consiste non pas à accumuler, moderniser et rendre plus utilisables les armes nucléaires, mais à les interdire et à les éliminer.
C’est pourquoi IDN propose une série de mesures qui auraient pour effet, à court terme, de réduire le danger de guerre nucléaire, à moyen terme, d’empêcher la prolifération des armes nucléaires et, à et long terme, de les éliminer dans le cadre d’un processus multilatéral, progressif et contrôlé.
Voici les plus urgentes de ces mesures :
1- Procéder à de nouvelles réductions unilatérales
Plusieurs puissances nucléaires, dont la France, ont déjà procédé à des réductions unilatérales de leurs stocks d’armes nucléaires. Le Royaume-Uni a renoncé à la composante aéroportée et ne conserve que la composante sous-marine. La France a renoncé à la composante terrestre et elle pourrait renoncer progressivement à la composante aérienne et aéronavale, jugée onéreuse, vulnérable et inutile. De même, ayant modernisé les missiles balistiques de ses sous-marins, elle peut réduire leur nombre et celui des ogives dont ils sont équipés (comme le réalisent les Britanniques).
2- Réaffirmer solennellement l’engagement d’« accomplir davantage de progrès pour réduire le rôle attribué aux armes nucléaires dans les politiques de sécurité »
Les obligations contenues dans l’Article VI du Traité de non prolifération nucléaire (TNP), en vigueur depuis 1970, (comme dans les documents adoptés en 1995, 2000 et 2010) visent au désarmement nucléaire dans le cadre d’un désarmement général et complet. Ce traité vise à créer une plus grande sécurité internationale par des mesures de non-prolifération et de désarmement nucléaires.
3- Diminuer au niveau le plus bas possible le niveau d’alerte de forces nucléaires
Sur les quelque 4000 armes nucléaires déployées par les Etats-Unis, la Russie, la France et le Royaume-Uni, environ la moitié est placée en alerte maximale, permettant un tir dans les minutes suivant la détection d’un lancement adverse. C’est ce statut qui risque de provoquer le déclenchement accidentel, par erreur ou non autorisé d’une guerre nucléaire. En particulier, les armes doivent être séparées de leurs vecteurs afin de laisser du temps aux décideurs d’intervenir pour éviter une telle catastrophe.
4- Engager un processus de médiation entre Etats-Unis et Russie pour obtenir le retrait des armes nucléaires tactiques américaines déployées en Europe en échange du retrait total des armes nucléaires tactiques russes d’Europe
Ces armes sont destinées à être utilisées sur le sol européen et dans le cadre d’une escalade nucléaire entre les Etats-Unis et la Russie. Leur déploiement (Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, Turquie), loin d’assurer la sécurité de l’OTAN, accroît le risque que des pays européens deviennent la cible d’attaques nucléaires. Leur neutralisation, dans un premier temps, puis leur élimination favoriseront la négociation de nouvelles réductions des arsenaux nucléaires américains et russes. La France et l’UE pourraient annoncer cette démarche lors de la conférence de l’OTAN en juillet prochain.
5-Adhérer au mécanisme prévu par le Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN)
Ce traité, adopté par 122 Etats à l’ONU (qui devrait entrer en vigueur en fin d’année 2019) mais boycotté par les puissances nucléaires, comble une lacune juridique importante : après les armes biologiques et chimiques, il établit la norme d’interdiction globale de l’arme nucléaire, dernière catégorie d’arme de destruction massive à ne pas être encore prohibée. Il prévoit que les Etats dotés de cette arme ont le choix pour adhérer à ce traité : soit éliminer leurs armes et s’y joindre, soit devenir partie au traité et annoncer aux autres Etats parties un plan de désarmement vérifiable (le cas échéant négocié avec les autres puissances nucléaires).
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