Traité New START : Vers le chaos ou la sécurité ?

Le Traité New START, signé le 8 avril 2010 par les présidents Obama et Medvedev, avait pour but de contenir la course aux armements nucléaires entre les Etats-Unis et la Russie et d’ouvrir la voie à de nouvelles réductions de leurs arsenaux. Les plafonds instaurés ont été respectés, mais, outre que la détérioration des relations entre les deux pays a empêché de nouvelles négociations, l’expiration du traité le 4 février 2021 et l’incertitude quant à sa prorogation risquent d’entraîner le monde vers une escalade de la terreur.

Il y a 10 ans, Obama et Medvedev signaient le Traité New START.
Signature du Traité New START, Prague, 8 avril 2010.

Faisant suite à plusieurs accords de maîtrise des armements nucléaires (SALT, SORT, START) déjà expirés ou non entrés en vigueur, le Traité New START sur la réduction des armes stratégiques n’était pas dénué d’ambitions : il devait réduire de moitié pour chaque partie le nombre de lanceurs de missiles nucléaires stratégiques, et des deux tiers celui du nombre d’ogives nucléaires stratégiques déployées, plafonnées à 1 550, tandis que le plafond total des missiles intercontinentaux sol-sol ou tirés de sous-marins et de bombardiers nucléaires était fixé à 700. En outre, en application de l’adage préféré du président Reagan, « fais confiance mais vérifie », le traité développait le système mutuel de vérification et de transparence en prévoyant jusqu’à 18 inspections sur place par an pour chaque partie.

Un accord limité

Le Traité a été respecté de part et d’autre, et les plafonds prévus ont été atteints dès le 5 février 2018. Les deux parties ont procédé à plus de 19 000 échanges d’informations et chaque pays a conduit plus de 150 inspections dans l’autre.  Ce bilan positif n’a pas pour autant fait disparaître les lacunes de l’accord : celui-ci ne porte que sur les systèmes stratégiques et exclut les armes dites tactiques ou non-stratégiques des deux côtés (notamment les 150 bombes à gravitation américaines réparties sur cinq pays de l’OTAN). Il ne concerne que les armes déployées, celles restant en stockage ou en voie de démantèlement n’étant pas comptées (leur total s’élève pourtant à près de 9 000). Chaque bombardier est décompté comme une seule arme alors qu’il peut en embarquer jusqu’à 20. Enfin, il ne comporte pratiquement aucune limite sur les systèmes de défense antimissiles.

Compte tenu de ces insuffisances, dès 2013, Obama a proposé à Poutine de réduire encore d’un tiers le plafond des armes nucléaires stratégiques déployées et d’inclure dans un nouvel accord les armes non-stratégiques. La Russie a conditionné son acceptation à la prise en compte des systèmes défensifs et des missiles conventionnels de précision à longue portée (Prompt Global Strike), que Washington n’était pas disposé à négocier. Il en est résulté l’accentuation de la course aux armements que l’accord New START n’avait fait que ralentir.

Un avenir incertain

Avec la détérioration des relations entre la Russie et l’Occident suite à l’annexion de la Crimée et le durcissement de la politique nucléaire américaine, notamment la dénonciation par Trump du Traité FNI sur les missiles à portée intermédiaire, les chances de remplacer le Traité New START par un accord plus ambitieux encore ont fondu. La prorogation de l’accord pour cinq ans, prévue comme solution d’attente, reste donc la seule réaliste. Les milieux conservateurs aux Etats-Unis s’y sont opposés en arguant que Moscou avait mis au point de nouveaux systèmes tels le missile intercontinental lourd Sarmat et le lanceur hypersonique Avangard qui échappaient au décompte de New START. Or la Russie a déclaré sa disponibilité à inclure ces systèmes dans les plafonds actuels et à proroger ‘techniquement’ le traité. Quant aux autres nouvelles armes développées par la Russie, la torpille nucléaire Poséidon et le missile de croisière à propulsion nucléaire Burevestnik, elles ne sont qu’au stade de prototypes et pourraient faire partie d’un futur accord.

Autre obstacle soulevé par l’administration Trump : celle-ci insiste pour inclure la Chine dans un accord trilatéral imposant des contraintes à l’arsenal chinois. Pékin a beau jeu de rétorquer que le nombre  de ses armes ne représente qu’une fraction infime des arsenaux américains et chinois (2,6 % pour être précis). La Russie pourrait tout aussi bien réclamer d’attirer la France et le Royaume-Uni à la table de négociation, ce qu’elle a déjà tenté en vain d’obtenir dans le passé.

Risque d’escalade

Si le Traité New START n’était pas prorogé d’ici février 2021, Trump priverait son pays du système bilatéral de vérification stabilisateur qui lui permettait de se tenir informé des évolutions de l’arsenal nucléaire russe.  Le monde se retrouverait dépourvu de tout cadre juridique destiné à encadrer la course aux armements nucléaires. Il pourrait alors être entraîné vers une escalade de la terreur. Seul espoir : que l’ambition électorale de Trump l’amène à escompter un meilleur impact économique d’un deal avec Poutine que du chaos qui résulterait de l’abandon de l’accord.

Marc Finaud, membre du Bureau d’IDN

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